À 30 ans, Stéphanie déborde de projets et d’énergie. Accueillie au village SOS de Marseille à l’âge de 6 ans, elle a pu s’épanouir grâce à l’affection patiente et attentive de Monique, sa mère SOS, qui a su gagner sa confiance et lui montrer qu’elle était pleine de ressources.
Lorsque l’on demande à Stéphanie, 30 ans, ce qu’elle fait dans la vie, la réponse de cette jeune femme, anciennement confiée au village SOS de Marseille, force l’admiration : « Je travaille comme assistante dentaire depuis neuf ans, et je viens de terminer un Master en management et gestion d’activités. » Car la jeune femme hyperactive a un tempérament d’entrepreneuse et un beau projet : « En parallèle, explique-t-elle, je me suis formée à la méthode Montessori, une approche éducative basée sur le développement naturel de l’enfant, car je suis en train de monter une microcrèche. Le business plan est achevé, les banques m’accordent des prêts et j’ai déjà trouvé mon local. J’espère ouvrir les portes de l’établissement dans quelques mois ! »
Si l’agenda de Stéphanie est très chargé, elle ne manque pourtant jamais d’appeler chaque soir, quoi qu’il arrive, Monique, son ancienne mère SOS, aujourd’hui retraitée, qui l’a accueillie quand elle avait 6 ans, avec ses deux petits frères. La jeune femme se souvient d’avoir tout d’abord mal vécu son arrivée au village, car il succédait à un début de vie très chaotique : « Nous avons été retirés à notre mère lorsque j’avais 4 ans, raconte-t-elle. Nous vivions avec l’une de mes tantes et ses trois enfants. J’étais la plus grande et, du haut de mes 4 ans, je devais parfois m’occuper seule des plus petits. » Des signalements du voisinage aboutissent à une mesure de protection des enfants, qui sont alors confiés en pouponnière pour les deux garçons, âgés seulement de quelques mois, et en foyer pour Stéphanie. Un premier placement de courte durée, puisque tous trois sont ensuite rapidement confiés à une famille d’accueil. « Nous y sommes restés 18 mois, se souvient Stéphanie. C’est long pour des enfants si jeunes et des liens s’étaient créés. Mais nous avons dû en partir. Et c’est pour cela que notre arrivée au village d’enfants SOS a été difficile, car elle correspondait à une nouvelle rupture. » La fratrie, alors très éprouvée, doit s’adapter à un nouvel environnement, et il faudra toute la patience et l’affection de Monique pour les apaiser : « Nous vivions à la campagne, dans un cocon et, d’un coup, nous débarquions en ville, dans une maison qui comptait une autre fratrie, dans une grande structure pleine d’enfants et avec une inconnue qui voulait de nous… Mais nous, nous ne voulions pas d’elle ! »
LA PATIENCE D’UNE MÈRE SOS
Si elle n’a jamais fait preuve de rébellion ou de colère, Stéphanie a toutefois longtemps été une enfant renfermée et distante avec son éducatrice familiale. Tiraillée entre son désir de stabilité et d’épanouissement, et son sentiment de trahir sa mère d’origine, Stéphanie a longtemps eu du mal à nouer d’autres liens positifs et à accorder sa confiance. Son entrée en classe de sixième a marqué un tournant : « J’ai cessé d’être dans la posture d’une grande sœur surprotectrice avec ses petits frères et j’ai ouvert plus grand mon cœur à Monique. » Bien plus tard, elle a demandé à son éducatrice familiale si cette dernière lui en avait voulu de ces années un peu difficiles. « Elle m’a assuré que non, qu’elle m’avait toujours comprise et savait à quel point j’étais tiraillée. Elle a eu tellement de patience ! Je l’admire, c’est mon socle, mon guide. Elle m’a appris ce qu’est l’amour filial. Elle est devenue mon autre mère, celle qui compte. »
UNE NOUVELLE « NOUVELLE VIE »
Côté scolarité, malgré une lourde dyslexie, Stéphanie se débrouille plutôt bien : « J’étais d’un tempérament rêveur, dit-elle. L’école ne m’intéressait pas beaucoup, mais je me suis débrouillée pour avoir la moyenne partout. » Bac en poche, elle quitte le sud de la France pour entrer en école d’infirmières à Lille. Sa première année se passe bien, mais Stéphanie ne peut pourtant pas poursuivre ses études. Elle retourne alors à Marseille et, pour ne pas se retrouver à la rue, débute une formation en alternance d’assistante dentaire pour subvenir à ses besoins, en attendant de pouvoir faire le métier dont elle a réellement envie. Ce qui sera bientôt le cas, avec l’ouverture de sa crèche et grâce aux études qu’elle a pu reprendre avec le soutien de SOS Villages d’Enfants : « J’ai toujours gardé des liens avec l’équipe du village de Marseille et lorsque j’ai demandé si l’association pouvait m’aider à entamer un master, la réponse fut instantanément positive. SOS Villages d’Enfants me l’a financé à 100 %. C’est fou ! Ça a été une aide déterminante pour me permettre d’amorcer ce tournant dans ma vie. »
De ses « années SOS », la jeune femme garde des souvenirs heureux : les soirées d’été passées dehors jusqu’à la nuit tombée, la piscine gonflable installée dans le jardin et qui accueillait pendant des heures les jeux entre gamins, les fêtes du village, les anniversaires, les vacances avec Monique… « Même si je ne l’ai pas perçu tout de suite, c’est un cadre de vie propice au bonheur. J’ai gardé une nature introvertie et, dans la vie courante, j’évoque peu mon histoire, mais je sais ce que je dois à celles et ceux qui m’ont accueillie. »