Une ancienne enfant des rues devient infirmière - SOS Villages d'Enfants

Une ancienne enfant des rues devient infirmière

À l’âge de trois ans, Kamala Tapa vivait dans la rue à Katmandou (Népal). Aujourd’hui, elle travaille comme infirmière au village d’enfants SOS de Sanothimi à Katmandou.

 

Dans le bureau de l’infirmière, au milieu du village d’enfants SOS, un garçon de 10 ans qui a mal aux oreilles est assis sur une chaise pendant que Kamala Tapa se penche.

 

« Ça fait mal », pleure-t-il.

 

« Je vais juste jeter un coup d’œil et voir s’il y a quelque chose », dit Kamala, calmement. Une main tient une lampe de poche tandis que l’autre s’empare de l’oreille du garçon. Elle se penche vers l’avant pour voir ce qui cause la douleur. Ses amis se blottissent curieusement tout près en regardant.

 

Après trois ans comme infirmière au village d’enfants SOS, Kamala connaît bien tous les enfants. Chaque jour, quelqu’un l’attend devant son bureau. Si ce n’est pas un enfant, c’est peut-être un chien errant qui l’a suivie au travail.

 

Il y a toujours une bonne ambiance parmi ceux qui attendent Kamala. Car même si son travail consiste à s’assurer que tous les enfants du village SOS restent en bonne santé, qu’ils grandissent et mangent bien, que leurs maux et leurs douleurs sont guéris, il y a d’autres raisons pour lesquelles les enfants se sentent en sécurité avec elle.

 

Elle n’est pas seulement une infirmière expérimentée. Elle sait aussi ce que l’on ressent lorsqu’on perd ses parents.

 

Un père abandonne sa famille

 

En 1994, Kamala est née dans un petit village où elle a vécu avec sa mère, son père et une sœur aînée. Elle raconte comment elle a attrapé une pneumonie à neuf mois mais n’a reçu aucun traitement médical du simple fait qu’elle était une fille.

 

« Il y a une grande différence entre les garçons et les filles ici au Népal, pas tellement dans les villes, mais à la campagne, ils préfèrent les garçons aux filles. Je n’aime pas ça », dit Kamala, qui a maintenant 27 ans.

 

Dans de nombreux endroits du Népal, surtout à la campagne, il arrive que certains pères quittent leur famille s’ils n’ont pas de fils.

 

Lorsque la mère est laissée seule, sans emploi ni éducation, elle n’a guère de possibilités de se débrouiller seule dans un pays où les services sociaux sont peu développés. Il n’est donc pas rare que les mères célibataires se sentent si désespérées qu’elles quittent leurs enfants pour commencer une nouvelle vie.

 

Une vie dans la rue

 

La vie de Kamala a commencé à se dégrader après que son père les a quittés pour se remarier. « J’avais trois ans quand mon père nous a quittés parce que ma mère ne pouvait pas lui donner un fils », raconte Kamala.

 

La famille de Kamala s’est retrouvée sans revenus et sans endroit où vivre. Leur mère, qui était enceinte d’un troisième enfant à l’époque, était désespérée. Elle ne voyait pas d’autre solution que d’emmener ses filles à Katmandou pour chercher du travail. Elles vivaient sous une tente dans les rues de l’une des villes les plus polluées du monde.

 

Kamala raconte les quatre années difficiles qu’elle a passées dans la capitale en tant qu’enfant des rues. Elle raconte les nuits de peur, les chiens des rues qu’elle nourrissait et qui la protégeaient quand elle dormait. Elle raconte qu’elle avait tout le temps faim et qu’elle ne pouvait pas aller à l’école.

 

« Le plus dur était de ne pas obtenir les choses les plus élémentaires. Ne pas pouvoir manger quand nous avions faim et pas d’argent pour l’école, même si nous voulions apprendre ».

 

Un chemin pour sortir du désespoir

 

Après quelques mois, la plus jeune sœur de Kamala est née. Sa mère a accouché seule « dans un champ où elle travaillait à la main », explique Kamala. En voyant la détresse de la famille, les gens de la communauté, en particulier un directeur d’école local, ont aidé la mère à prendre contact avec SOS Villages d’Enfants Népal.

 

Kamala avait cinq ans lorsque sa famille a commencé à bénéficier du soutien financier de SOS Villages d’Enfants Népal. Les filles ont commencé à aller à l’école et, peu de temps après, les enseignants ont placé Kamala en deuxième année, car elle a appris rapidement.

 

« J’adorais aller à l’école. Et quand j’avais du temps libre, je lisais dans les livres de ma grande sœur. C’est pour cela que j’ai si bien réussi ».

 

Kamala raconte avec des yeux brillants comment elle a participé à toutes les activités de l’école, comme capitaine d’école et chef scout, et aussi qu’elle aimait la danse et les compétitions linguistiques.

 

De retour au village d’enfants SOS

 

Dans l’infirmerie de Kamala, l’oreille du garçon est examinée. Rien de dangereux, c’était probablement juste du cérumen. Dehors, plusieurs enfants attendent leur tour pour voir l’infirmière, il y a 160 enfants dans le village d’enfants SOS.

 

Kamala a été particulièrement occupée pendant la pandémie du COVID-19, choisissant de vivre dans le village SOS pour s’assurer que tout le monde – des enfants aux soignants – est en sécurité et en bonne santé. Jusqu’à présent, personne n’a contracté le virus.

 

Elle sait que les symptômes physiques peuvent être liés à des expériences infantiles négatives. La nostalgie et le chagrin peuvent être ressentis dans le corps sous forme de maux de tête ou de douleurs abdominales.

 

« Il est souvent un peu difficile de savoir ce qui ne va pas chez eux car la plupart des enfants ici souffrent de la perte d’une mère ou d’un père, ou des deux. C’est pourquoi ils viennent souvent me voir, même s’ils n’en ont pas toujours besoin. Un petit mal de tête suffit pour qu’ils viennent me voir, parce qu’ils veulent se sentir bien ».

 

La propre enfance douloureuse de Kamala et sa motivation à aider les enfants à guérir de leurs traumatismes l’ont amenée à vouloir poursuivre une maîtrise en soins infirmiers de santé mentale. Elle sait que le traumatisme de la séparation ou de l’abandon doit être guéri pour que les enfants deviennent des adultes confiants et autonomes.

 

Ma grande sœur, la vraie héroïne

 

Bien que la famille de Kamala ait bénéficié d’un soutien du Programme de Renforcement de la Famille, sa mère a choisi de se remarier. « Elle a fait de son mieux mais cette société n’est pas un environnement facile pour les mères célibataires », dit Kamala. « Je ne sais pas si ma mère est vivante, nous n’avons aucun contact. Mais je l’aime. Je prie toujours pour elle ».

 

Heureusement, au moment où leur mère est partie, la sœur aînée était assez mûre pour assumer le rôle d’aide-soignante. SOS Villages d’Enfants a conclu qu’il était préférable que les filles restent ensemble dans le nouvel appartement où elles vivaient.

 

« Ma grande sœur est la vraie héroïne. C’est grâce à elle que nous sommes ici aujourd’hui. Elle a tout fait pour nous », dit Kamala.

 

Aujourd’hui, sa sœur aînée travaille sur un bateau de croisière à Goa, en Inde. Sa jeune sœur étudie la finance et la comptabilité aux États-Unis. « Je suis reconnaissante que nous ayons pu rester ensemble en grandissant ».

 

Pour la plupart des maladies, l’infirmière Kamala a un remède. Mais elle n’hésite pas à prescrire quelques conseils aux enfants. « Soyez forts, soyez audacieux, travaillez dur et ne quittez jamais vos études », leur dit-elle. « Pensez positivement et tout vous reviendra ».