La maltraitance faite aux enfants qui demeure inacceptable est pourtant bien réelle.
« Toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé des enfants, leur survie, leur développement ou leur dignité dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir. » Telle est la définition de la maltraitance, donnée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui fait aujourd’hui référence. Parmi ces violences faites aux enfants, l’OMS distingue quatre grands types : la violence physique, la violence sexuelle, la violence psychologique et la négligence.
Peu de statistiques récentes
En France, on garde en mémoire les histoires terribles qui ont défrayé la chronique encore récemment. Celle de la petite Marina, morte à 8 ans sous les coups après des années de maltraitance, celle du petit Lorenzo, mort de soif et de faim dans un appartement jonché d’excréments de chien, ou encore celle de la petite Tiphaine, battue à mort par ses parents.
Pourtant aujourd’hui encore, on manque cruellement de données chiffrées relatives aux maltraitances faites aux enfants, d’études récentes et représentatives. Ce manque de données est lié aux difficultés rencontrées autour de la définition de la maltraitance liées, elles, à la multiplicité et la complexité des situations des enfants concernés. La dernière étude en date a été effectuée en 2006 et publiée en 2007 par l’Observatoire national de l’action sociale (Odas). Selon cette étude, à prendre avec précaution puisqu’elle ne considère des données que partielles, il ressort que, parmi les enfants repérés chaque année comme étant en danger dans les services départementaux, 20% le sont pour cause de maltraitance. Parmi eux, en 2006, les violences se répartissaient ainsi : 33% de violences physiques, 26% de négligences lourdes, 23% de violences sexuelles et 18% de violences psychologiques.
SOS Villages d’Enfants attentive à la maltraitance
Parce qu’elle recueille des enfants dans des situations de précarité psychologique ou affective, SOS Villages d’Enfants est confrontée à la maltraitance de certains d’entre eux et contribue à leur reconstruction.
Au village d’enfants SOS de Marange (57), Valérie Bonazzi, directrice du village, est le témoin au quotidien des conséquences de la maltraitance sur les enfants. « Ce sont généralement des enfants inhibés, qui vont tester leur mère SOS davantage que les autres enfants. C’est à nous, équipe éducative, de poser alors des limites solides, car c’est ce dont ils ont besoin pour pouvoir se construire. En nous testant, ce sont leurs propres limites qu’ils recherchent », explique-t-elle. Des limites qui vont contribuer à ce qu’ils s’apaisent et se rassurent. « L’enfant va comprendre que, même si on le punit, on l’aime toujours. » Ce climat de confiance, la présence régulière d’une figure d’attachement stable et fiable que l’éducatrice familiale/mère SOS représente pour l’enfant accueilli, couplés à un accompagnement vigilent et des repères clairs, sont la condition qui leur permettra de grandir sereinement, ou le plus possible, en estompant peu à peu les traces des traumatismes anciens.
La maltraitance psychologique, sournoise et destructrice
Parmi les formes de maltraitance, la maltraitance psychologique est particulièrement difficile à enrayer, parce qu’elle est difficilement décelable. « Notre rôle est de prendre le relais vis-à-vis de l’enfant, pour le protéger, et de devenir le lien positif entre lui et ses parents, poursuit la directrice. On peut aider les parents à prendre conscience qu’il y a maltraitance ; certains n’en sont parfois pas conscients, ayant été eux-mêmes traumatisés… ». Cette prise de conscience est un grand pas vers l’arrêt de la maltraitance.
« Ce qui reste préoccupant, ce sont tous ces enfants victimes de maltraitance qui ne sont pas encore repérés, ni pris en charge et donc pas aidés. Il faut sensibiliser les consciences à ce problème, souligne Valérie Bonazzi. Tous les témoins potentiels de cette maltraitance, voisins, enseignants, etc., tous ceux susceptibles d’être alertés, ont un rôle essentiel à jouer dans le processus de la prise en charge de ces enfants en grande souffrance. »
Des situations singulières qui requièrent une approche au cas par cas et une diversification des réponses apportées par SOS Villages d’Enfants
Face à ces difficultés, rencontrées partout sur les territoires où elle intervient, SOS Villages d’Enfants a élargi l’éventail de ses réponses au-delà du fonctionnement éprouvé des premiers villages d’enfants SOS. Depuis 2010, dans trois sites implantés à Persan, Calais et Digne-les-Bains, ont été créés des services d’accueil familial immédiat (SAFI) destinés à accueillir en urgence des fratries pour une durée de deux à six mois et prendre le temps d’évaluer sereinement la situation afin de construire un projet pour les enfants. Pour les adolescents et les jeunes majeurs, des « Espaces de transition », comme à Jarville, Marseille, Carros ou Busigny, et d’ici 2017 à Marange, leur permettent de bénéficier d’un accompagnement renforcé. Par ailleurs, l’association développe de nouvelles réponses éducatives dans ses villages SOS telles que le programme Pygmalion pour les accompagner vers la réussite scolaire ou encore le Programme d’Epanouissement Par le Sport (PEPS).
« Avec les cas de maltraitance ou de carence éducative auxquels nous sommes de plus en plus confrontés, l’accompagnement est devenu plus pointu et les mères SOS sont désormais épaulées par d’autres professionnels, mais la fratrie reste l’environnement dans lequel nous aidons [les enfants] à se reconstruire. »
Isabelle Moret, directrice des activités de SOS Villages d’Enfants
Epauler plutôt que remplacer les parents
Le lien avec les familles de ces enfants n’est pas rompu, sauf dans les cas les plus graves. Il devient même indispensable pour rechercher un équilibre. Ce qui explique que les relations parents/enfants persistent malgré le placement et sont même encouragées.
L’important est de reconnaître les places sans dénier les difficultés et de toujours garder comme point de mire l’intérêt et les besoins de l’enfant, en prenant au sérieux sa parole.