Le 5 août dernier a été publié le décret relatif à l’accompagnement vers l’autonomie des jeunes majeur·e·s ayant été confié·e·s à l’aide sociale à l’enfance. Ce décret précise les nouvelles modalités d’accompagnement de ce public dont les orientations ont été données par la loi du 7 février 2022 dite « loi Taquet » en fixant notamment les modalités du projet d’accès à l’autonomie impulsé par le Gouvernement. Le collectif Cause Majeur ! souligne des avancées sur la philosophie de cet accompagnement mais dénonce avec force l’exclusion des jeunes en conflit avec la loi et soulève des points de vigilances et des questionnements quant à son effectivité réelle sur le terrain. La question de l’accompagnement des jeunes majeur·e·s vers l’autonomie n’est malheureusement pas réglée pour les membres du collectif.
Un projet d’accès à l’autonomie inspiré des recommandations portées par Cause Majeur !
Que ce soit dans le cadre de la loi dite « Taquet » du 7 février 2022 ou dans l’élaboration de ce décret, Cause Majeur ! s’est fortement mobilisé pour que la question des jeunes majeur·e·s en situation de vulnérabilité soit centrale. Notre collectif, qui a formulé plusieurs propositions en ce sens, se réjouit que le projet d’accès à l’autonomie proposé par le Gouvernement se soit fortement inspiré de son projet d’accompagnement vers l’âge adulte et en reprenne les grands piliers. Cela permet en effet de couvrir un certain nombre de besoins des jeunes majeur·e·s dans l’optique de leur garantir une inclusion pleine et entière dans la société. En revanche, nous regrettons que l’accompagnement socio-éducatif ne soit pas érigé en principe socle permettant aux jeunes ainsi soutenus de se saisir pleinement des différents leviers d’inclusion dans la société que sont l’accès aux ressources, au logement, à l’emploi ou à une formation, aux soins ou encore à l’accompagnement dans les démarches administratives inscrits dans le décret.
Cause Majeur ! salue la pleine association des personnes concernées à ce projet et l’obligation pour le Président du Conseil Départemental de présenter tous les ans un bilan à l’ODPE1 relatif aux accompagnements réalisés. Nous espérons que ces éléments contribueront à un meilleur accompagnement de ce public sur le terrain et à mettre en œuvre une véritable culture de la participation des jeunes aux décisions qui les concernent.
De fortes inquiétudes et des points de vigilance demeurent
La persistance de droits à géométrie variable
Cause Majeur ! s’inquiète du périmètre des jeunes concerné·e·s par ce décret. En effet, si ce dernier concerne les jeunes majeur·e·s ayant été confié·e·s à l’aide sociale à l’enfance, nous ne pouvons que regretter, encore une fois, le fait que les jeunes accompagné·e·s par la PJJ2 ainsi que tout·e jeune en situation de vulnérabilité non repérée durant sa minorité en soit exclu·e et ne bénéficient en conséquence pas des mêmes droits pour des besoins pourtant similaires.
Nous nous questionnons sur deux points qui appellent une clarification : d’une part, les jeunes accompagné·e·s par la PJJ ayant été accueilli·e·s par l’ASE3, sur une courte période ou antérieurement à leur parcours judiciaire, pourront-ils et elles bénéficier de ce dispositif ? Quid de ceux qui ne l’ont jamais été ? Nous savons déjà que certains jeunes ayant été en conflit avec la loi sont suivis à tort au pénal après leur majorité afin de leur garantir une prise en charge socioéducative alors que leur rapport à la loi ne le nécessite plus. De même, que se passerait-il si le ou la jeune concerné·e ne voulait pas du projet proposé ? Cela constituerait-t-il une raison suffisante pour ne pas l’accompagner après sa majorité ? Ces questions restent en suspens.
Mobilisation des départements et de l’Etat : des garanties insuffisantes
Cause Majeur ! rappelle que l’accompagnement des jeunes majeur·e·s promu par la loi du 7 février et précisé par ce décret ne constitue toujours pas un droit opposable pour et par les jeunes. De plus, la mention « si nécessaire » inscrite dans le décret conforte nos inquiétudes sur le pouvoir d’appréciation à « géographie » variable de chaque Président des Conseils Départementaux de mettre en œuvre, ou non, ce projet d’accès à l’autonomie, en évaluant notamment les besoins financiers ou d’accompagnement des jeunes, de manière plus ou moins arbitraire. Le risque est réel qu’il y ait toujours autant de pratiques que de départements. Aussi, la notion imprécise d’hébergement ne demeure pas une solution viable pour une pleine inclusion du jeune ; Cause Majeur ! demande à ce que chaque jeune ait accès à un logement pérenne. Par ailleurs, nous déplorons que le protocole mentionné et impulsé par la loi du 14 mars 2016 soit mis en place dans très peu de départements. Ce décret s’appuie donc sur un outil encore trop peu exploré aujourd’hui.
Enfin, quels moyens complémentaires vont être accordés par l’Etat au département pour assurer l’accompagnement de ces jeunes ? Sans un investissement à la hauteur des enjeux, les départements mêmes les plus engagés seront dans l’incapacité d’appliquer pleinement la loi et son décret. Quels suivi et contrôle vont être mis en place pour une effectivité réelle de celui-ci ?
L’ensemble de ces éléments nous laissent penser que de nombreuses inégalités territoriales persisteront malheureusement dans l’accompagnement de ces jeunes.
La question de l’accompagnement des jeunes majeurs doit demeurer comme une priorité centrale durant ce nouveau quinquennat
Vous l’aurez compris, la question des jeunes majeur·e·s a été mise en avant dans les débats publics et par le législateur mais elle est encore loin d’être pleinement réglée. Ce second quinquennat se devra de transformer l’essai. Nous appelons donc le Gouvernement et le Parlement, dès cet automne, à prioriser cette thématique en accordant aux conseils départementaux, à l’occasion du projet de loi de finances 2023, les fonds nécessaires pour accompagner comme il se doit les adultes de demain. Nous demandons également que nos dirigeant·e·s aillent plus loin en transformant cet accompagnement jeune majeur en un droit opposable et en accompagnant les jeunes qui le souhaitent, et qui en ont besoin, a minima jusqu’à leurs 25 ans, et ce jusqu’à leur inclusion pleine et entière dans la société.
1 ODPE : Observatoire départemental de la protection de l’enfance
2 PJJ : Protection Judiciaire de la Jeunesse
3 ASE : Aide sociale à l’enfance
Contacts presse :
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