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Après plusieurs mois d’études et de débats, la loi relative à la protection de l’enfance a été promulguée le 7 février 2022. Tout au long de ce travail institutionnel, SOS Villages d’Enfants a participé à la réflexion en proposant des recommandations issues de sa longue expérience en accueil d’enfants confiés à la protection de l’enfance.
Publié le 11 février 2022
L’association a été auditionnée à la fois par les rapporteurs du texte à l’Assemblée Nationale puis au Sénat ainsi que par divers Parlementaires engagés sur le sujet. Nous avons porté des propositions très concrètes pour améliorer le quotidien des enfants accueillis en protection de l’enfance pendant l’ensemble de l’examen législatif.
Par ailleurs nous avons été très mobilisés à travers le collectif Cause Majeur !, que nous coordonnons et qui rassemble plus de 30 acteurs de la protection de l’enfance et personnalité qualifiée, pour porter un plaidoyer militant en faveur d’une meilleure inclusion des jeunes majeurs sortants de la protection de l’enfance.
SOS Villages d’Enfants a donc suivi de près les derniers échanges et réagit aujourd’hui au texte final.
Elle contient des avancées concrètes pour améliorer le quotidien des enfants et favoriser l’exercice de leurs droits.
Pour SOS Villages d’Enfants, qui a plaidé pour l’inscription dans la loi de sujets précis qui vont avoir un impact direct sur les enfants, certaines de ces mesures concrètes et nécessaires sont à saluer :
Un article est dédié à l’accueil conjoint des fratries ; il est désormais mentionné « l’enfant est accueilli avec ses frères et sœurs en application de l’article 371-5, sauf si son intérêt commande une autre solution ». Cette mention constitue une avancée car il inscrit dans la loi le principe de la non-séparation des fratries en tant que règle et non plus l’exception : en cas de séparation d’avec les parents, les frères et sœurs, qui bénéficient d’une mesure de protection de l’enfance, devront être accueillis ensemble dans une structure prévue à cet effet, sauf si cela n’est pas dans leur intérêt.
La loi permettra désormais au juge des enfants d’effectuer un entretien individuel avec l’enfant capable de discernement lors de son audience. De plus, un collège des enfants accueillis en protection de l’enfance ou anciennement accueillis sera mis en place auprès du Conseil national pour la protection de l’enfance (CNPE). SOS Villages d’Enfants s’était beaucoup mobilisé sur cet aspect depuis la concertation pour l’élaboration de la stratégie prévention et protection de l’enfance en 2019 et se réjouit de la création de ce collège. Ainsi, le vécu des enfants, leur expérience et leur avis sur leur situation pourra être mieux entendu.
Le texte de loi final change une terminologie qui a son importance. SOS Villages d’Enfants s’est mobilisée pour qu’on ne parle plus « d’enfant placé » mais bel et bien « d’enfant accueilli en protection de l’enfance ». On passe d’une posture passive d’un enfant pour lequel tout est décidé à cette terminologie qui affirme une volonté réelle de placer l’enfant en tant que sujet et acteurs de ses droits.
C’est l’approche par les droits qui motive et porte les actions de SOS Villages d’Enfants, conformément à la Convention Internationale des Droits de l’Enfants de 1989 (CIDE). Cette avancée majeure dans le changement de terme, qui sera désormais partagée par tous les acteurs de la protection de l’enfance augure d’un meilleur respect des droits de chaque enfant.
La loi définit la maltraitance dans le code d’action sociale et familiale (CASF), ce qui permet à tous les acteurs du secteur de la protection de l’enfance mais aussi à la société au sens large de s’accorder sur ce qui relève de la maltraitance. Le fait de formaliser ce que recouvre la maltraitance permet dorénavant de la reconnaître sous ses différentes formes, de la prévenir et d’y répondre.
Dans son article 5, la loi définit : «Art. L. 119-1. –La maltraitance au sens du présent code [CASF] vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non. Leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. »
Par exemple, les enfants confiés à la protection de l’enfance bénéficieront du parrainage de proximité et du mentorat. Cette mesure permettra notamment aux enfants et aux jeunes de développer un réseau personnel et professionnel.
La loi prévoit également la fin des placements à l’hôtel dans un délais de deux ans. Durant cette phase transitoire, l’hébergement d’un jeune à l’hôtel sera limitée à une durée de 2 mois, et devra être encadré par du personnel éducatif.
Si la loi relative à la Protection des enfants comporte de réelles avancées, SOS Villages d’Enfants aurait cependant souhaité qu’elle aille plus loin sur certains sujets.
En effet, la loi permet dorénavant au juge de solliciter un avocat pour l’enfant capable de discernement, et de désigner un administrateur ad hoc pour les autres enfants. Cela ne va pas assez loin. Pour SOS Villages d’Enfants, la recommandation demeure d’inscrire dans la loi la désignation systématique d’un avocat pour l’enfant lors des rencontres et audiences avec un juge, quel que soit son âge et son degré de discernement.
Sur la question de la délégation des actes non usuels, SOS Villages d’Enfants aurait aimé que le législateur aille plus loin. En effet, à travers notre expérience de terrain, on constate, notamment dans le cadre de placement long ou quand les liens entre les enfants et les parents sont très faibles, que cela constitue un véritable obstacle pour les enfants et leur permettre de vivre « leur vie d’enfant ». Nous avions préconisé qu’il y ait une délégation automatique de certains actes usuels, relevant de l’autorité parentale, au gardien de l’enfant pour faciliter sa vie d’enfant pendant la durée de son accueil. Des amendements ont été portés en ce sens au Sénat mais n’ont malheureusement pas été retenus.
SOS Villages d’Enfants restera très vigilante quant à l’application concrète de cette loi, afin qu’elle facilite le quotidien des enfants et des jeunes que nous accompagnons.
Le collectif Cause Majeur !, dont SOS Villages d’Enfants est membre fondateur et coordinateur, fait le constat d’un bilan en demi-teinte. Le collectif salue la proposition d’accompagnement des jeunes ayant été accompagnés par l’aide sociale à l’enfance jusqu’à 21 ans mais reste inquiète quant à l’accompagnement des jeunes ayant été pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse ou les jeunes en situation de vulnérabilité entre 18 et 21 ans. Cause Majeur ! plaide également pour un accompagnement jusqu’à 25 ans, correspondant davantage à l’âge moyen de décohabitation en France. Enfin, le collectif reste très vigilant quant aux moyens financiers mis en place pour rendre effectif cette mesure qui nous semblent très insuffisants. Le collectif continue de porter la voix de ces jeunes qui, passé 18 ans risquent de se retrouver livrés à eux-mêmes, et maintient ses efforts pour améliorer leur accompagnement jusqu’à leur inclusion pleine et entière dans la société.