« Je suis la deuxième d’une fratrie de huit enfants. Ma mère est tombée malade lorsque j’étais encore très jeune et j’ai dû aider mes parents à élever mes frères et sœurs. J’ai donc été sensibilisée très tôt aux difficultés dues à la maladie mais aussi à d’autres carences familiales ou sociales. Cela a certainement guidé mon choix futur mais c’était aussi une réelle motivation. Après avoir suivi des études et enseigné quelque temps, j’ai répondu à une annonce parue dans la presse régionale. A 29 ans, j’ai quitté l’enseignement pour le village SOS de Marseille.
En septembre 1972, j’ai accueilli une fratrie de 7 enfants (de 5 à 16 ans) orphelins de père et de mère. A l’époque, la mère SOS était pratiquement seule auprès des enfants. Aussi je vous laisse imaginer la charge de travail que représentait entre autres la scolarité : la 1ère année, les 7 enfants étaient répartis sur 6 écoles différentes, de la maternelle au lycée… J’ai dû m’organiser entre, en priorité, le suivi des devoirs, les thérapies et les loisirs des enfants.
Je me souviens de ces premières vacances où plusieurs de mes anciens collègues sont venus passer une semaine chez nous : mon changement d’orientation professionnelle les avait beaucoup questionnés, mais ils ont vite été conquis par l’accueil et la gentillesse des enfants.
En 1975 on m’a proposé une seconde fratrie, à cette époque-là, on se devait d’accueillir 8 à 9 enfants par villa. Mes 2 aînés étant devenu majeurs, j’ai accueilli cette seconde fratrie assez rapidement. Quand elle est arrivée – 4 enfants de 6 à 11 ans – cela faisait un bon groupe assez lourd mais il y avait beaucoup d’entraide entre les aînés et les plus jeunes.
Dans ces premières années du village SOS, le temps de présence était très important auprès des enfants accueillis. Cela créait une grande solidarité entre les mères SOS, pouvoir échanger sur nos difficultés était d’un grand secours.
Au début des années 1980, l’accueil s’ouvre sur les enfants ayant leur mère biologique présente. C’est une grande innovation qui bouleverse nos relations à la famille biologique des enfants accueillis. En 1981, plusieurs des jeunes majeurs avaient quitté la villa, j’ai alors accueillis 2 petits garçons de 11 mois et 2 ans et demi, leur mère ayant refait sa vie dans une autre région.
En 2008, après 36 ans passés au village SOS, j’ai pris ma retraite. Retraite bien occupée, je suis devenue grand-mère d’une trentaine de petits-enfants et arrière-grand-mère d’une dizaine. Tous ces jeunes adultes et leurs enfants et petits-enfants, le lien affectif les sécurise dans leur parcours de vie plus ou moins stable. A ce jour, les anniversaires sont des moments privilégiés de rencontres festives. »